dimanche 6 décembre 2015

INFLATION ET TERRORISME



On parle souvent de « l’inflation législative ». Et tout le monde s’accorde pour reconnaître que ce phénomène d’inflation est un mal. Et un mal qui ne solutionne aucune situation, et qui peut  même l’accentuer.

L’inflation de textes est décrié.

L’inflation de services est également contraire à l’efficacité que chacun peut attendre de l’Etat.

Sur le plan des services de Police et de Renseignement

DGSI. BLAT. SDAO. SDAT. DRPP. EMOPT.

Les abréviations de ces services intervenant dans la lutte contre le terrorisme donne déjà le tournis. Pourtant, sont désignés 6 services.

En matière anti-terroriste, ce sont dix neuf services qui interviennent dont le dernier en date, le EMOPT placé sous l’autorité du Ministère de l’Intérieur.

Inflation de services.

Qui dit multitude d’acteurs pose la question de la coordination des efforts déployés contre le fléau !

Si deux services distincts surveillent un même suspect, le moins que l’on puisse dire est que l’efficacité de l’action diminue.

Alors pourquoi ajouter un service à un autre service ?

Un rapport parlementaire en 2009 posait les carences de ces acteurs. En tire-t-on les conséquences ?

Que dire de la disparition des RG sur l’efficacité de la surveillance du territoire national ? A chaque fait divers, une loi !

A chaque attentat, un nouveau service anti-terroriste ?

Sur le plan législatif, faut-il encore et encore légiférer ?

La loi sur le terrorisme est en date du 13 novembre 2014 : la loi dite loi Cazeneuve.

Elle définit le terrorisme – article 421-1 du Code pénal - et crée le délit d’apologie du terrorisme – article 421-2-5 du même Code pénal -.

Faut-il plus de textes ?

La loi du 20 novembre 2015,  suite aux attentats du vendredi 13 novembre 2015, a trait à l’état d’urgence et aux mesures d’assignation à résidence, contrôle des armes etc...

Devant l’Assemblée Nationale, le Premier Ministre a demandé aux députés d’écarter tout juridisme.
Et la loi sur le renseignement.

Pour finir ce billet, lisons les propos de Robert BADINTER, ancien Garde des Sceaux et Sénateur :

« Ce n’est pas par des lois d’exception et des juridictions d’exception qu’on défend la liberté contre l’ennemi. »

Et pour finir, la conclusion de Robert BADINTER :

« Les terroristes nous tendent un piège politique » 

Comment y répondre ? Certainement pas par l’inflation des textes et des services. C’est le point de départ d’une réflexion difficile contre cet ennemi.


Emmanuel Gonzalez

mercredi 2 décembre 2015

Sur l'état d'urgence : de la loi de 1955 à la loi du 20 novembre 2015



C’est sous le gouvernement de Guy MOLLET, sous la IVème République, qu’apparaît la notion « d ‘état d’urgence ». C’est une loi n° 55-385 du 3 avril 1955 qui va définir « l’état d’urgence ». 

Ce texte naît pendant les événements d'ALGÉRIE. De la guerre d’ALGÉRIE. 

L’état d’urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain, des départements d’outre-mer, des collectivités d’outre mer. 

Sous quelle conditions ? 

- Soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public ;
Soit en cas d’événements présentant par leur nature et leur caractère de calamité publique

Suite aux attentats du vendredi 13 novembre dernier, c’est une loi en date du 20 novembre, loi 2015-1501, qui a été votée. Dans l’urgence, pourrait-on dire.

Comme vous l’avez déjà remarqué, mais ici, vous aurez la confirmation du texte, la nouvelle loi s’applique à une population bien plus grande que les personnes soupçonnées d’activités terroristes. 

L’article 6 de la loi nouvelle a trait à l’assignation à résidence. 

Cette mesure peut être mise en place à l’égard « de toute personne résidant dans une zone fixée par décret et à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et  à l’ordre public ». 

Il faut noter la notion de « comportement ». La notion "d'activité" aurait plus relevé de la sécurité juridique. 

Une notion extrêmement floue. D’autant plus floue que la loi du 20 novembre 2015 est une loi d’exception. 

Cette loi ne concerne pas que les terroristes et présumés terroristes. Elle concerne « toute personne résidant dans une zone fixée par décret et à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre public ». 

Je ne parlerai pas des prérogatives du Ministre de l’Intérieur en matière d’associations. Je n’évoquerai pas la question du contrôle des armes. 

Je pose uniquement la question de la loi et de son application face aux libertés fondamentales. 

Devant le Juge des Référés du Tribunal Administratif de RENNES, il y a quelques jours, des militants du climat ont saisi la justice. Plusieurs étaient assignés à résidence. En audience non publique, tous les recours ont été rejetés. 

Je soumets la motivation de quelques unes de ces décisions à votre sagacité : 
Le juge souligne par exemple, en évoquant l'un des militants, qu’il existe des « raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la COP21 », « partie de la mouvance contestataire radicale ». Il a « été précédemment interpellé en Italie, en marge de l’exposition universelle de Milan » et « soupçonné d’avoir participé à des incidents ».  «Bien connu des services de police pour des faits de destruction ou de détérioration importante de biens publics et participation à un attroupement malgré les sommations de dispersion ».
Pour une autre jeune femme, le juge des référés se contente de rappeler sa participation aux manifestations contre Notre-Dame-des-Landes en février 2014 ainsi qu’à un rassemblement à Pont-de-Buis, dans le Finistère. 
Le Juge Administratif s’est contenté de reprendre l’argumentation du Ministre de l’Intérieur. 

Emmanuel GONZALEZ