lundi 27 octobre 2014

J'ai perdu ma robe


J'ai perdu ma robe. 
Le vendredi 17 octobre dernier, je suis parti au Palais, dossiers et robe sous le bras. 
J'ai remonté le boulevard. Le trajet habituel. Quelques centaines de mètres.
Arrivé à l'Ordre, j'ai posé les dossiers et j'allais mettre la robe. 
Elle n'était plus là. Pendant le parcours, fut il court, elle avait choisi une autre voie. 
J'ai aussitôt fait le chemin à l'envers. 
En vain. 
Plus de vingt ans de vie commune s'arrêtait entre boulevard et rue, sans préavis.
Pendant tout ce temps, je n'avais pas connu d'autre robe. Elle, avait connu d'autres avocats. A plusieurs reprises, je l'avais prêtée à des confrères sans robe. Toujours, elle était revenue. 
Première plaidoirie devant un Tribunal d'Instance, quelque part en Bretagne. Premiers dossiers de correctionnels.Le premier dossier d'Assises, un 17 octobre. Un 17 octobre, un souvenir qui l'a habité quand elle est partie. Sans doute.
Toutes ces portes. Toutes ces poignées sur lesquelles avec elle j'ai pu m'échouer. 
La pluie. Combien de fois ne sommes nous pas arrivés au Palais dégoulinant. 
Il y a encore quelques jours, nous attendions notre tour dans un couloir, elle a, sans mégarde, attrapé dans sa manche le parapluie d'une femme. Cette personne ne connaissait pas la robe voleuse, sans doute. Ne vous inquiétez pas, j'ai restitué le parapluie. 
Depuis ce vendredi funeste, je n'ai plus de nouvelles.
Je sais aujourd'hui qu'elle ne reviendra pas. Qu'elle ne reviendra plus.
Quelqu'un l'a détournée. 
Elle portait mon nom. Mais qu'est qu'un nom aujourd'hui que l'on peut effacer d'un trait !
Je regarde la photo de notre premier jour. Un 4 décembre. Il y a plus de 20 ans. 
Nous avons tant vécu ensemble ....
Emmanuel GONZALEZ 

mercredi 22 octobre 2014

Droit du travail : la prise en charge de la procédure de licenciement



Ah me direz vous, encore un article rédigé par un Avocat pour critiquer les experts comptables !

Cela devient lassant !

Vous avez droit de le penser. Mais, attendez pour conclure.

Je vous explique la raison de ce billet d’humeur.

Aujourd’hui, j’ai reçu un chef d’entreprise. Une société de taille moyenne. Il m’a remis une convocation devant le Bureau de conciliation du Conseil de Prud’hommes de la ville. La salariée, embauchée en 2009, vient contester un licenciement qui est intervenu dans le cadre de la faute grave. Elle réclame 11 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que l’indemnité de licenciement, préavis, congés payés sur préavis, article 700 CPC. La réclamation avoisine les 18 000 euros.

Dans la lettre de licenciement rédigée par l’expert comptable de cette société, sont visées des erreurs de validation avant mise en production, de mauvaise validation d’une commande.

La définition de la faute grave est rappelée de manière constante par la Chambre Sociale de la Cour de cassation. La faute grave est définie comme la faute qui "résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis" (Cass soc 26 février 1991 n° 88-44908).

La difficulté est que le rédacteur de la lettre de licenciement, en l’espèce l’expert comptable, a une vision doublement déconnectée du réel. D’une part, parce qu’il vise des faits dans la lettre qui ne peuvent pas être qualifiés de faute, et, d’autre part, parce qu’il ne tient aucun compte de la nécessité de prouver ce qui est avancé.

La lettre de licenciement fixe les termes du litige

Cela veut dire que le chef d'entreprise a eu recours à son expert comptable qu'il connaît certainement mieux que l'avocat pour prendre en charge une question de droit du travail. Si les conseils des Prud'hommes et les Cours n'existaient pas, le chef d'entreprise aurait certainement fait une bonne affaire. La facture de l'expert comptable est moins élevée que celle de l'Avocat que je suis, sa mission s'inscrivant dans la mission globale. 

Mais le monde n'est pas abstrait ! 

En l'espèce la salariée va confronter son licenciement à l'appréciation du Juge. 

Cela veut dire que la préparation d'une procédure de licenciement doit tenir compte de deux choses. La première est le respect des règles de droit, la seconde est la nécessité de pouvoir prouver. 

Je ne suis pas comptable et je ne fais pas de comptabilité pour mes clients. 

L'expert-comptable fait du droit, peut-être. Mais il ne connaît pas les risques judiciaires. 

Et ceux-là peuvent avoir un coût… dépassant largement les honoraires de l'Avocat. 


Emmanuel Gonzalez

mercredi 15 octobre 2014

Cour Européenne des Droits de l’Homme - Le contrôle des fichiers policiers : du STIC au TAJ



Le 18 septembre 2014, la Cour Européenne des Droit de l’Homme a rendu un arrêt dans une affaire Brunet / France, réglement n° 21010/10.

Cette décision est intéressante en ce qu’elle concerne le fichier policier et le contrôle de celui ci.

L’arrêt a été rendu dans le cadre de l’application du S.T.I.C (système de traitement des informations constatées). La solution est transposable au TAJ (Traitement des antécédents judiciaires), qui le remplace aujourd’hui. Le STIC et le JUDEX forment aujourd’hui le TAJ. (art R 40-23 à R 40-34 du Code de procédure pénale ).

Le problème posé par les fichiers est celui de l’atteinte disproportionnée aux libertés individuelles.

Le droit d’effacement est traité par ledit arrêt.

Un homme se voyait inscrit au STIC pour des faits de violence sur sa compagne. L’affaire avait été classée sans suite, après médiation. Cette personne avait demandé que cette mention soit effacée du STIC, les faits s’étant déroulés des années  auparavant. Les Juridictions nationales écartent la demande.

Ce dernier saisit la Cour Européenne des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales et invoque une violation par la France de l’article 8 de la Convention, soit pour ingérence disproportionnée dans sa vie privée au regard du besoin social impérieux poursuivi.

La Cour doit «protéger les données à caractère personnel soumises à un traitement automatique en particulier lorsque ces données sont utilisées à des fins policières».

Sur la durée de conservation des données, la Cour constate que les informations contenues dans le STIC ont "un caractère intrusif non négligeable".

La Cour s’interroge sur la durée de la conservation des données (20 ans) et s’interroge également sur «le caractère proportionnel d’un tel délai».

Dans ce cas, le requérant ne disposait d’aucun recours en droit interne.

Concernant le STIC, la France a méconnu l’équilibre que recherche en permanence la CEDH dans ses arrêts, équilibre entre des notions opposées, telles que respect de vie privée et sécurité.


Emmanuel Gonzalez

lundi 13 octobre 2014

Cour Européenne des Droits de l'Homme : une protection de l'Avocat ?



Un Avocat bénéficie-t-il d’une protection particulière par l’Etat ?

C’est la question posée à la Cour Européenne des Droits de l’Homme et la Cour répond par la négative.

Une avocate croate défendait une femme dans le cadre d’une procédure de divorce. Le mari était connu pour sa violence. La réalité est qu’il a dépassé largement cette violence pour d’abord tuer sa femme puis se rendre au Cabinet de son avocate, pour la tuer.

Devant la Cour, les requérants reprochaient à l’Etat Croate de ne pas être intervenu alors que tous les éléments revelés montraient la dangerosité de l’individu. Les policiers avaient relevé le caractère suicidaire du mari.

La Cour condamne l’Etat au paiement d’une somme de 20 000€ à titre de dommages intérêts.

La Cour fonde son arrêt sur l’article 2.

Pas de protection pour les Avocats.

Deux juges dissidents de la Cour ont retenu la protection de l’Avocat car ils peuvent être exposés à un risque professionnel important.

C’est une position dissidente.

CEDH Bijcka et autres / Croatie
18 septembre 2014

Emmanuel Gonzalez

jeudi 2 octobre 2014

Alcool au volant : contravention et délits



Le Code de la Route incrimine la conduite sous l’influence de l’alcool.

De deux manières !

L’article L 234-1 de ce code incrimine le fait de conduire un véhicule sous l’empire d’un état alcoolique caractérisé par une concentration d’alcool dans le sang égale ou supérieure à 0,80 g par litre ou par une concentration d’alcool dans l’air expiré égale ou supérieure à 0,40 milligramme par litre.

C’est un délit.

C’est à dire une infraction justiciable du Tribunal Correctionnel.

Le Code de la Route, par l’article R 234-1 incrimine un autre type de conduite sous l’influence de l’alcool.

Ce texte sanctionne le fait de conduire un véhicule sous l’empire d’un état alcoolique caractérisé par une concentration d’alcool dans le sang égale ou supérieure à 0,20 gramme par litre ou par une concentration d’alcool dans l’air expiré égale ou supérieure à 0,10 miligramme par litre.

C’est une contravention.

C’est à dire une contravention pouvant être jugé par le Tribunal de police, la Juridiction de Proximité.

A chaque infraction s’attachent des sanctions pénales.

Mais là n’est pas mon propos.

Si vous lisez attentivement ces textes, vous constaterez que dans les deux cas, la perte de points visée est de 6 .

En matière correctionnelle comme en matière contraventionnelle, vous perdez, une fois la condamnation définitive, le même nombre de points.

A deux comportements différentes, la même sanction au titre de la perte de points !

En pratique,  cela peut signifier quoi ?

Pour le délit, vous allez être jugé et par le biais de la défense pénale, gérer le problème que peut devenir la perte de points sur le sort de votre permis.

La perte de points est effective lorsque la sanction pénale est définitive. Cela signifie que votre défense peut s’inscrire dans la durée pour vous permettre de conserver votre permis…

Pour la contravention, vous avez les mêmes possibilités de défense.

Au bord de la route, les Services de Gendarmerie se révèlent toujours très courtois quand ils sanctionnent des infractions d’alcool au volant sous l’empire d’un état alcoolique contraventionnelle.

Sachez cependant que cette infraction générera la même perte de points qu’un délit et qu’il importe de sans soucier.

S’en soucier, c’est se défendre.

La matière pénale est pleine de ressources.

Hier encore, un client en droit routier me disait «  le gendarme a été très gentil ».


Emmanuel GONZALEZ




Sources : 

CHAPITRE IV  : Conduite sous l'influence de l'alcool
   Art. L. 234-1   I. — Même en l'absence de tout signe d'ivresse manifeste, le fait de conduire un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique caractérisé par une concentration d'alcool dans le sang égale ou supérieure à 0,80 gramme par litre ou par une concentration d'alcool dans l'air expiré égale ou supérieure à 0, 40 milligramme par litre est puni de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 € d'amende.
 II. — Le fait de conduire un véhicule en état d'ivresse manifeste est puni des mêmes peines.
 III. — Dans les cas prévus au I et II du présent article, l'immobilisation peut être prescrite dans les conditions prévues aux articles L. 325-1 à L. 325-3.
 IV. — Ces délits donnent lieu de plein droit à la réduction de la moitié  (L. no 2003-495 du 12 juin 2003, art. 11)  «du nombre maximal de points [ancienne rédaction: du nombre de points initial]» du permis de conduire.
 V. — Les dispositions du présent article sont applicables à l'accompagnateur d'un élève conducteur.
   Art. R. 234-1    (Décr. no 2004-1138 du 25 oct. 2004)  «I. — Même en l'absence de tout signe d'ivresse manifeste, est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe le fait de conduire un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique caractérisé par:
 «1o Une concentration d'alcool dans le sang égale ou supérieure à 0,20 gramme par litre ou par une concentration d'alcool dans l'air expiré égale ou supérieure à 0,10 milligramme par litre et inférieure aux seuils fixés à l'article L. 234-1, pour les véhicules de transport en commun;
 «2o Une concentration d'alcool dans le sang égale ou supérieure à 0,50 gramme par litre ou par une concentration d'alcool dans l'air expiré égale ou supérieure à 0,25 milligramme par litre et inférieure aux seuils fixés à l'article L. 234-1, pour les autres catégories de véhicules.»
 (Décr. no 2003-642 du 11 juill. 2003, art. 6-I)  «II. —» L'immobilisation peut être prescrite dans les conditions prévues aux articles L. 325-1 à L. 325-3.
 (Décr. no 2003-642 du 11 juill. 2003, art. 6-I)  «III. —»  (Décr. no 2003-293 du 31 mars 2003, art. 2-I)  «Toute personne coupable de (Décr. no 2004-1138 du 25 oct. 2004)  «l'une des infractions mentionnées au I» encourt également la peine complémentaire de suspension du permis de conduire pour une durée de trois ans au plus, cette suspension pouvant être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle.»
 (Décr. no 2003-642 du 11 juill. 2003, art. 6-I)  «IV. —» Cette contravention donne lieu de plein droit à la réduction de  (Décr. no2003-642 du 11 juill. 2003, art. 6-I)  «six [ancienne rédaction: trois]» points du permis de conduire.
 (Décr. no 2003-642 du 11 juill. 2003, art. 6-I)  «V. —» Les dispositions du présent article sont applicables à l'accompagnateur d'un élève conducteur. — [Anc. art. R. 233-5, R. 256, al. 13 à 23, et R. 278, al. 1er et 2.]