mercredi 25 mars 2015

Justice aveugle


L'expression " Justice Aveugle" est empreinte d'une connotation péjorative. 
Ce caractère doit être, à mon sens, atténué, en tous les cas, amoindri,en ces temps de révolution technologique.
En fait, la justice aveugle a du bon aujourd'hui. Aveugle, parce qu'elle ne voit pas le prévenu. 
Cour d'Appel. Visio-conférence. Deux dossiers en visio conférence, deux demandes de mise en liberté. 
Techniquement, tout est en place. 
Commence l'audience en visio-conférence. Madame le Président constate qu'elle ne voit pas le détenu mais l'entend. Le détenu, lui, voit la Cour et l'entend. Le surveillant voit et entend la Cour. Une absence de réciprocité ou comme on aime à dire pas de parallélisme des formes ...
Madame le Président est agréable, et professionnelle. Elle sait gérer les incidents, les difficultés de toute nature. Agréable, professionnelle et pragmatique. Aucun énervement. Madame le Président demande au détenu s'il accepte de voir examiner sa demande sans que la Cour ne le voit. La Présidente précise que dans ce cas, on fera acter son accord et qu'on examinera sa requête. La Cour l'a déjà fait du fait de crises de cécité déjà rencontrées dans le passé et dans un passé récent. Il y a quelques jours ? 
La solution proposée par la Présidente de cette Cour ne me pose pas de difficultés; L'audience a lieu et devant un public et les avocats présents. 
Corps présent, bonne justice ? 
Pourquoi cette solution serait ellle la solution logique et attendue ? 
Ici, dans cet incident de visio conférence gérée avec élégance par cette Présidente, c'est un demi corps présent et pour une fois, c'est le détenu qui peut observer la Cour et non pas la Cour observer le détenu; 
Mais, sur le cas cité, en qualité d'observateur, je n'ai pas de critiques à formuler. 
Corps présent; Corps absent. Mi présent, mi absent. 
A partir de cette réflexion, il faut attirer l'attention sur l'intérêt de la représentation en matière pénale. Le prévenu présent, le prévenu représenté, c'est une option à déterminer et qui n'est pas sans incidence. 
Justice aveugle quand la technique vacille. 
Justice aveugle quand la représentation en justice est gérée. 
Peut être pas. Peut être plus d'intérêt porté au dossier qu'aux paroles maladroites du comparant. 
L'absent du prétoire n'est pas nécessairement celui qui a tort. 
La dématérialisation des corps. 
L'essentiel est que la justice puisse être visible et vue. 
De la justice aveugle à la justice sous les yeux d'autrui. 

Emmanuel GONZALEZ 

Représentation


Devant la Juridiction de Proximité, le Tribunal de Police, le Tribunal Correctionnel ou la Cour d’Appel ; l’Avocat assiste, en principe, le prévenu. La personne poursuivie est comparante. Elle est physiquement présente. Le jugement est contradictoire.
Traditionnellement, l’Avocat est aux côtés de son Client.
En matière pénale, l’Avocat assiste le prévenu. C’est la pratique courante dans une procédure, par essence, orale. Oralité et comparution semblent aller ensemble.
Devant les mêmes juridictions, l’Avocat peut représenter son Client. Devant la juridiction de Proximité et devant le Tribunal de Police, la démarche est habituelle. Devant la juridiction correctionnelle, la pratique est moindre.
 Pourtant, la représentation en matière pénale présente maints avantages, d’un point de vue de la défense et également des intérêts pratiques ; la personne convoquée étant éloignée du tribunal, en déplacement professionnel etc.
La Cour Européenne des Droits de l’Homme par arrêt en date du 23 mai 2000 a posé le principe de la représentation en justice et de l’effectivité de la défense.  
« Le droit à tout accusé à être effectivement défendu par un avocat figure parmi les éléments fondamentaux du procès équitable.
 Un accusé n’en perd pas le bénéfice du seul fait de son absence aux débats. L’avocat peut assurer la défense de l’absent en justice.
Même, si le législateur doit pouvoir décourager les abstentions injustifiées, il ne peut les sanctionner en dérogeant au droit à l’assistance d’un défenseur. Les exigences légitimes de la présence des accusés aux débats peuvent être assurées par d’autres moyens que la perte du droit à la défense »
Les absents n’ont pas toujours torts.
La Cour de cassation suivra la position de la CEDH. Comme suit :
 « le droit au procès équitable et le droit de tout accusé à l’assistance d’un défenseur s’opposent à ce que la juridiction juge un prévenu non comparant et non excusé sans entendre l’avocat présent à l’audience pour assurer sa défense ». .
Interviendront les articles 410, 411 et 412 du Code de procédure pénale issus de la loi du 9 mars 2004.
Il n’est pas inutile de les lire avec attention :

L’article 410 dispose

Le prévenu régulièrement cité à personne doit comparaître, à moins qu'il ne fournisse une excuse reconnue valable par la juridiction devant laquelle il est appelé. Le prévenu a la même obligation lorsqu'il est établi que, bien que n'ayant pas été cité à personne, il a eu connaissance de la citation régulière le concernant dans les cas prévus par les articles 557,558 et 560.
Si ces conditions sont remplies, le prévenu non comparant et non excusé est jugé par jugement contradictoire à signifier, sauf s'il est fait application des dispositions de l'article 411.
Si un avocat se présente pour assurer la défense du prévenu, il doit être entendu s'il en fait la demande, même hors le cas prévu par l'article 411.

L’article 410-1 prévoit

Lorsque le prévenu cité dans les conditions prévues par le premier alinéa de l'article 410 ne comparaît pas et que la peine qu'il encourt est égale ou supérieure à deux années d'emprisonnement, le tribunal peut ordonner le renvoi de l'affaire et, par décision spéciale et motivée, décerner mandat d'amener ou mandat d'arrêt.
Si le prévenu est arrêté à la suite du mandat d'amener ou d'arrêt, il est fait application des dispositions de l'article 135-2. Toutefois, dans le cas où la personne est placée en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention, elle doit comparaître dans les meilleurs délais, et au plus tard dans le délai d'un mois, devant le tribunal correctionnel, faute de quoi elle est mise en liberté.

L’article 411 ajoute

Quelle que soit la peine encourue, le prévenu peut, par lettre adressée au président du tribunal et qui sera jointe au dossier de la procédure, demander à être jugé en son absence en étant représenté au cours de l'audience par son avocat ou par un avocat commis d'office. Ces dispositions sont applicables quelles que soient les conditions dans lesquelles le prévenu a été cité.
L'avocat du prévenu, qui peut intervenir au cours des débats, est entendu dans sa plaidoirie et le prévenu est alors jugé contradictoirement.
Si le tribunal estime nécessaire la comparution personnelle du prévenu, il peut renvoyer l'affaire à une audience ultérieure en ordonnant cette comparution. Le procureur de la République procède alors à une nouvelle citation du prévenu.
Le prévenu qui ne répondrait pas à cette nouvelle citation peut être jugé contradictoirement si son avocat est présent et entendu. Le tribunal peut également, le cas échéant, après avoir entendu les observations de l'avocat, renvoyer à nouveau l'affaire en faisant application des dispositions de l'article 410-1.
Lorsque l'avocat du prévenu qui a demandé à ce qu'il soit fait application des dispositions du présent article n'est pas présent au cours de l'audience, le prévenu est, sauf renvoi de l'affaire, jugé par jugement contradictoire à signifier.

L’article 412 poursuit
Si la citation n'a pas été délivrée à la personne du prévenu, et s'il n'est pas établi qu'il ait eu connaissance de la citation, la décision, au cas de non-comparution du prévenu, est rendue par défaut, sauf s'il est fait application des dispositions de l'article 411.
Dans tous les cas, si un avocat se présente pour assurer la défense du prévenu, il doit être entendu s'il en fait la demande. Le jugement est alors contradictoire à signifier, sauf s'il a été fait application de l'article 411.
Dans tous les cas, le tribunal peut, s'il l'estime nécessaire, renvoyer l'affaire à une audience ultérieure, en faisant le cas échéant application des dispositions de l'article 410-1.
Le prévenu cité à personne, ou dont il est établi qu'il a eu connaissance de la citation, doit se présenter, sauf excuse valable. Si un avocat se présente il doit être entendu s'il en fait la demande.
Le prévenu non cité à personne, ou dont il n'est établi qu'il a eu connaissance de la citation, peut être représenté par un avocat. Le jugement sera réputé contradictoire à signifier. 
Dans tous les cas, lorsqu'un avocat se présente et en fait la demande, il doit être entendu s'il en fait la demande.
L’article 411 du Code pénal pose le principe de l’exigence d’un mandat écrit pour représenter le prévenu. Ainsi donc, si l'article 411 exige un mandat écrit de représentation, la juridiction ne peut refuser d'entendre l'avocat qui se présente, même sans mandat  écrit.
Des conclusions déposées par l’Avocat valent mandat écrit.
Ce qu’il faut retenir de ces réflexions sur la procédure pénale en matière d’assistance et de représentation en justice est qu’il faut, au cas par cas, réfléchir à l’opportunité de la représentation en justice en matière pénale. Au cas par cas, en fonction des éléments de la poursuite. En fonction de la personnalité de la personne poursuivie.
Des intérêts stratégiques peuvent exister.
Dans le cadre d’un dossier correctionnel ouvert sous la prévention de conduite en état alcoolique, muni d’un dossier préparé, la représentation est tout aussi efficace que l’assistance du prévenu.
En 2015, le Juge a intégré cette manière de se défendre en justice.
A vous de juger !


Emmanuel GONZALEZ